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Sonnuevo

Sonnuevo est un blog dédié aux musiques rock, électriques et métisses.

Broadcast, Tender Buttons, 2005

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Sur son quatrième album, Broadcast donne un sérieux coup de jeune à l’esprit folk des sixties et un supplément d’âme aux musiques électroniques, souvent accusées de froideur. 



« Tender Buttons » a de quoi surprendre. Officiant désormais en duo, James Cargill et Trish Keenan (respectivement bassiste et chanteuse de Broadcast) ont troqué les arrangements sophistiqués de « Ha Ha Sound » contre un son plus épuré et intimiste. Proches de l’écriture automatique et du cut-up, les textes des chansons reflètent davantage l’univers personnel de Trish.


Le titre est un hommage au Tender Buttons de Gertrude Stein, l’un des premiers grands livres de la poésie anglaise moderne. Comme la poétesse, la chanteuse joue sur les sonorités, les répétitions et le rythme. Elle aime aussi à interférer sur le sens des mots. Les paroles d’America’s boy, par exemple, ont été écrites à partir d’une grille de mots croisés d’un tabloïd, évoquant l’occupation américaine en Irak. Passée sa déception de ne pas déjouer les énigmes, la jeune femme a décidé de remplir la grille à sa manière. Elle a donc cherché à reproduire le langage des énigmes, en malmenant les mots et en détournant volontairement leur sens, pour poser à son tour ses propres questions. La chanson aboutit ainsi à une dénonciation, ou plutôt à une célébration pleine d’ironie et de cynisme, du soldat en tant que symbole de l’impérialisme américain. 


Au delà des mots, la musique subit également cette métamorphose. Le travail de base effectué par James Cargill repose sur des effets de distorsion et d’interférences, créant des harmonies électroniques inédites, auxquelles viennent s’ajouter quelques accords de guitare et de basse, et la voix envoûtante de Trish Keenan dansant avec aisance sur les gammes. I found the F débute de façon lancinante, avec ses arpèges de guitare à l’équilibre fragile, comme si le diamant d’une platine disque tournait cahin-caha sur la face A d’un vieux vinyle. Mais voilà que les machines s’emballent et crépitent en feedback sur Black cat, rappelant l’electronica des voisins du label Warp. On jurerait ensuite que la mélodie légère comme une plume de Tears in the typing pool, drapée des notes d’un Mellotron sans âge, sort du monde halluciné de Lewis Caroll, celui d’ "Alice au pays des merveilles", version Pink Floyd ou Jefferson Airplane, au choix... Bercé par la guitare fuzz de Corporeal, on pense finalement à des voyages interstellaires encore utopiques. 


Les titres défilent, et l'on se prend à rêver. Et si un groupe comme le Velvet Underground ne s’était pas formé il y a quarante ans, mais aujourd’hui, à l’heure de la production electro, ne composerait-il pas des morceaux dans la veine de « Tender Buttons » ? Un album incantatoire, poétique, éblouissant et intemporel. 


article paru sur le webzine www.indiepoprock.net

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