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Sonnuevo

Sonnuevo est un blog dédié aux musiques rock, électriques et métisses.

Barbara Carlotti, Théâtre Essaïon (Paris), décembre 2005

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Automne 2005. Par un soir de lassitude, je décide de me poser cinq minutes en écoutant les filles du Mouv'. Bien m'en prit, en dépit des esprits moqueurs dont je perçois déjà les réflexions. Ce soir-là, une jeune auditrice appelait la radio pour un sujet divers, pour des places de concerts à échanger je crois. Voilà qu'à la fin de sa requette, au moment où la présentatrice lui demande si elle veut faire une dédicace à quelqu'un, notre jeune auditrice évoque sa grande soeur, chanteuse dont elle est très fière car elle est diffusée dans les indés du Mouv'. L'auditrice n'était autre que la petite soeur de Barbara Carlotti...


Intriguée, je décidais de poursuivre quelques recherches sur Internet (on est documentaliste ou on ne l'est pas...) pour découvrir cette artiste grande-soeur dont je ne connaissais pas le nom auparavant. Un site perso, une page sur le label Microbe, quelques chroniques sur son première album autoproduit... ces quelques traces laissées sur le web m'ont convaincue d'aller la découvrir sur scène, à l'espace Jemmapes, à Paris. Un concert mémorable durant lequel, prise par une mauvaise grippe, je passais environ une heure à essayer de réprimer une quinte de toux... pour ne pas déranger la belle et son groupe qui se présentaient sur scène. Des musiciens d'un autres âge, celui des sixties, du Paris chansonnier s’énamourant du rock anglo-saxon, celui des Stones craquant pour Françoise Hardy, de Serge Gainsbourg délaissant Juliette Greco pour Melody Nelson…


Quelques mois plus tard, au début de l'hiver, je décide de me rattraper en allant assister à son concert suivant, au théâtre Essaïon, rive gauche cette fois.  Sous les voûtes de la toute petite salle « miouzikol » du théâtre, on ne compte qu’une trentaine de personnes dans le public. L’ambiance est intimiste et l’acoustique, parfaite. Sur scène, les musiciens s’installent les premiers : Jean-Pierre Petit à la guitare acoustique, Sébastien Hoog à la basse, Frank Mbouéké à la batterie, Benjamin Esdraffo au piano. Dès les premières mesures de Cannes, Barbara Carlotti arrive à pas feutrés sur ses hauts talons, vêtue d’une longue robe-chemisier noire, une mèche rebelle s’échappant de ses longs cheveux blonds pour tomber devant ses yeux. Elle arbore aussi cet air désabusé propre aux grandes dames de la chanson.

Que ce soit sur Tunis ou sur Les Lys Brisés, on frissonne à chaque rupture harmonique, chaque accord de La mineur. Il pleut ce soir à Paris, et c’est comme si le ciel se déchirait sur Barbara lorsqu’elle chante son amour perdu. La musicalité des mots et le spleen qui en découle convoquent inlassablement Verlaine. Avec grâce, les yeux fermés, la chanteuse semble caresser l’air de ses mains tendues. A sa gauche, Sébastien Hoog égraine les notes de sa basse comme d’une guitare électrique. Dans un style très La’s, il joue ensuite de la guitare douze cordes sur Trop Tard et A Rose for Emily, adaptation en français d’une chanson des Zombies. A force d’échanger sa place avec celle de Jean-Pierre Petit, il finit par se tromper. Il attrape machinalement une guitare sèche à sa droite, avant de se rendre compte qu’elle est désaccordée… Barbara rattrape le coup et lui propose (une fois la guitare réglée) de jouer une petite chanson acoustique, Mon corps alangui.

La musique se veut plus tortueuse sur Anaïs, dans la veine des albums expérimentaux de Gainsbourg. Nous voici à l’époque où Anaïs Nin rencontrait Henry Miller, « écrivain gangster », dixit Barbara, qui fait mine de tirer une balle vers le ciel, avant de déclamer quelques extraits sulfureux du journal d’Anaïs. L’influence de l’homme à la tête de chou n’est pas loin non plus quand il s’agit de chanter L’Argent. Barbara Carlotti lit quelques lignes de Marx, avant de quémander à tout va dans sa chanson : « donnez moi de l’argent et je dirais bonjour… ». Le public sourit, la principale intéressée s’indigne avec malice : « cette chanson ne marche jamais, je ne vous remercie pas… »

A la guitare, Jean-Pierre Petit se moque à son tour, au moment d’interpréter une chanson en anglais, « dans la langue de Keynes » : « foin de Marx ! ». Et à ceux qui dans le public en redemandent à la fin du morceau, il rétorque : « capitalistes ! »




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